Une Once d'impondérables, contes et nouvelles (épuisé)
Une Once d'impondérables, contes et nouvelles (épuisé)

         De quoi que ça cause-t-y ?

 

 

 Le promeneur trouvera, dans cette section, 2 nouvelles extraites de

ce recueil : Changement de régime et Mémoires velus. Puisse leur lecture lui donner l'envie de se battre le poitrail sous les fenêtres de M. Gallimard afin de le pousser à rééditer cette oeuvre salutaire !

 

___________

 

Changement de régime

        

   Quelques vaguelettes clapotèrent autour des mollets du gros homme qui avait pris le temps de retirer ses sandales et de retrousser ses bas de pantalons avant de se mettre au boulot. Vexée d’avoir été dérangée en ce qu’elle prenait pourtant pour un havre, une grenouille mécontente sauta à bas d’un nénuphar et s’en alla coasser sur une des rives de la mare.

   En ahanant, l’adipeux déplaça le tas de rocaille moussue qui obstruait la cavité dans laquelle reposait son repas du soir, et jeta sur l’horizon un vaste coup d’œil circulaire pour s’assurer une dernière fois que nul indésirable n’était à redouter. Certes, la probabilité était mince de croiser un quidam dans le coin le plus reculé de ce bois, lui-même paumé entre un bled aléatoire et une immensité de prairies monotones. Surtout à une heure aussi avancée de la nuit. Mais après tout, il y avait déjà eu des alertes par le passé et ça avait été à deux doigts de mal se goupiller…

   Après avoir farfouillé dans un agrégat bourbeux de végétaux en suspension et d’insectes morts, le ventru parvint enfin à agripper l’objet de ses recherches.

                      Sa trogne dodue, jusque-là figée par la concentration que lui inspirait sa besogne, s’illumina en un vaste sourire lorsque émergea l’appétissante cheville tuméfiée qu’il enserrait. Avec précaution, il ramena à lui l’intégralité d’une magnifique ménagère en putréfaction qu’il entreprit de fourrer dans un grand sac en toile de jute.

   Puis, avisant les 30 mètres qui le séparaient du coffre de son 4x4, il lâcha un puissant soupir de résignation et chargea son fardeau sur ses épaules.

Une fois calé dans son siège, le poussif attendit quelques instants avant de démarrer. Le temps de reprendre son souffle. Le moindre effort le mettait sur le flanc, décidément. L’autre sentencieux de toubib n’avait tout même pas tort, qui avait commenté les résultats de ses analyses avec force verbiage savant et froncements de sourcils péremptoires.

   Oh ! C’était pas de gaieté de cœur qu’il les suivait, ses prescriptions contraignantes, mais il s’en rendait bien compte : c’était le seul espoir de voir un peu s’améliorer son état. Il n’avait pas du tout envie de risquer un accident vasculaire cérébral, voire de se retrouver hémiplégique…

 

*

 

          Fort heureusement, on n’en était pas là !

            En palpitant de la narine pour ne rien perdre du fumet qui s’échappait du coffre, il tourna la clef de contact et enclencha la première vitesse.

            Le véhicule cahota dans les ornières et, tous feux éteints, rejoignit la petite départementale qui longeait le bois.

            Le conducteur alluma l’autoradio et rechercha sa fréquence préférée. Il vérifia l’heure à l’horloge du tableau de bord, et eut un rictus de contentement : il y avait à peine six minutes que l’émission sur la criminologie était commencée. Il aimait bien ce programme. D’abord parce que c’était drôlement passionnant, mais surtout parce que, on l’avait annoncé dans la journée, on parlerait de lui cette nuit. Et bon, c’était quand même flatteur.

   Il alluma ses phares en débouchant sur la route et haussa un peu le volume de la radio.

            Lorsque l’animateur répéta, à l’intention d’éventuels auditeurs qui prendraient l’émission en cours, les nom et profession de son invité, le grassouillet ne put s’empêcher de maugréer. Un profileur ! Un des ces pénibles qui tentaient d’établir des portraits psychologiques à grands coups de théories tordues et qui représentaient une menace potentielle ! Déjà qu’ils lui avaient collé un surnom à la gomme : celui de « Crocodile » !

            Mais bon, après tout, ça lui conférait une certaine aura… Et puis, ça changeait un peu des « tueurs de la pleine lune » et autres « bouchers de l’autoroute ».

            Les doigts serrés sur son volant, le « Crocodile » donc, écouta avec la plus grande attention, curieux d’entendre ce qu’on pourrait bien raconter sur son cas…

 

*

 

           — Le Crocodile ? Heu… pourriez-vous nous rappeler en deux mots la raison de ce surnom ?

   — Oui. Voyez-vous, c’est tout simple. Il se trouve que les crocodiles aiment à dissimuler sous l’eau certaines de leurs proies afin de les laisser faisander. Or toutes les victimes de notre tueur ont été retrouvées en bord de mer, retenues d’une façon ou d’une autre sous l’eau. Dans l’intention plus que probable de les laisser pourrir là.

   — Ah ! Mais puisqu’il s’agit de la mer, pourquoi ne pas lui avoir donné le surnom de « Requin », plus simplement ? N’aurait- ce pas été plus logique ?

            — Non, parce que le requin dévore ses proies sans… sans penser au lendemain, si vous me permettez cette fantaisie. Il ne stocke pas, au contraire de son collègue saurien qui est lui plus… plus prévoyant, dirons-nous.

            — Hmm… Admettons. Mais vous supposez donc que notre tueur agirait pour se nourrir de ses victimes? Que nous n’aurions pas seulement affaire à un psychopathe classique, mais à un anthropophage ? C’est bien cela ?

  — Eh bien, disons que tout porte à le croire… Mais vous comprendrez que, s’agissant d’une affaire en cours, je ne pourrai m’attarder sur les détails. Sachez simplement que les corps qui ont été retrouvés l’ont tous été fortuitement, et par des promeneurs ou des employés municipaux. À chaque fois l’enquête a démontré que les corps venaient d’être déplacés, probablement par leur bourreau. Lequel, dérangé dans ses activités, avait préféré fuir en abandonnant son butin. Or toutes les victimes qui ont ainsi été retrouvées étaient portées disparues depuis deux à trois semaines en moyenne. Elles n’avaient strictement aucun point commun, physiquement du moins, et ne portaient aucune trace de sévices sexuels ou de tortures. Et on revenait les chercher ! On les emmenait ailleurs… Dans un but particulier au sujet duquel, sans jeu de mots, je nourris une forte conviction…

            — Oui, c’est étrange.

             — Quant aux autres, celles qui n’ont pas été retrouvées, je crains que s’il arrivait jamais qu’on les découvre, elles ressembleraient davantage à des reliefs de repas qu’à de chrétiennes dépouilles !

          — Hmm… Vous avez dit quelque part qu’il existait un lien plus que probable entre les affaires liées au Crocodile, et le corps de ce lycéen qui a été retrouvé dans un étang, il y a trois semaines… 

          — Oui. Je pense que c’est le Crocodile qui l’a enlevé, tué et immergé là. Pour venir le récupérer plus tard : probablement pour s’en repaître.

           — Mais il s’agit d’eau douce pourtant : un plan d’eau situé à une trentaine de kilomètres du bord de mer… Vous êtes certain qu’il s’agit de notre tueur ? Vous avez une explication à proposer en ce qui concerne cette heu… innovation ?

          — Hélas non : je ne suis certain de rien. Mais j’ai la certitude qu’il s’agit de notre homme.

           — Mais en ce cas, pourquoi aurait-il changé ses habitudes ?

Vous pensez que ça pourrait signifier quelque chose ?

    — Je ne sais pas… Peut-être s’agit-il d’un symbole quel- conque… Il est possible qu’il s’identifie : qu’à force de s’entendre appeler « Crocodile » dans les médias, il ait décidé de pousser le réalisme jusqu’à coller de plus près au milieu naturel de son homonyme à écailles… Ou, plus simplement, peut-être a-t-il déménagé vers l’intérieur des terres et ne se rend-il plus à la mer… Il faudrait dresser une liste des personnes qui se sont déplacées vers l’arrière-pays ces derniers mois…

             — Ou peut-être s’amuse-t-il avec nos nerfs ?

          — C’est possible aussi, oui…

            Outré, le conducteur poussa un juron et éteignit l’autoradio en ronchonnant. Non, il ne s’amusait pas ! Sûrement pas ! Devoir se coltiner des kilomètres superflus pour aller chercher une boustifaille qui sera en fin de compte un peu fadouille, y’avait vraiment pas de quoi rire !

            Et pour la énième fois, il se revit, trois mois plus tôt, penaud, devant l’autre empaffé de médecin qui lui ordonnait en levant l’index : « Le plus préoccupant, c’est votre hypertension. Désormais, ce sera régime sans sel ! »

 

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Mémoires velus

 

Dimanche 14 août : entretien avec Laurent. A.

Je me suis longuement regardé dans la glace qui orne le hall d’entrée. Scruté serait plus juste. Oh ! Pas pour me sonder l’âme : ça, y’avait déjà quelque temps que j’y avais renoncé. Non, simplement pour vérifier que je ferai illusion. Au moins la première demi-heure. En principe, c’était Nicolas qui s’y collait, mais le Conseil avait décidé qu’il fallait varier les rôles, alors…

Et bon, ma foi, ça allait bien : sauf la broussaille de mes sourcils et cette foutue proéminence occipitale, rien ne trahissait ma condition. Ma haute stature peut-être ? Bof !

Après tout, auprès d’une lanceuse de poids ou d’un rugbyman néo-zélandais, hein…

Et puis quoi ? J’avais lu dans un canard que leur taille aussi avait augmenté, au point même qu’une opération de recensement avait été organisée par je ne sais plus quel institut afin de définir les nouvelles normes standards des vêtements. J’avais grincé, je me souviens. M’avait agacé d’imaginer que, non contents de croître et multiplier, ils se développaient aussi physiquement, ces nuisibles.

Bref.

J’ai poussé la porte, j’ai descendu le perron, et j’ai jeté un coup d’œil circulaire sur le parc en humant l’odeur de la nuit. Après quoi je me suis retourné pour contempler la bicoque, histoire de vérifier l’effet que j’escomptais. Je me suis surpris à me dire qu’il y avait décidément du gothique là-dedans !

Enfin quoi, j’étais satisfait : ça correspondait bien aux poncifs des atmosphères d’épouvante.

L’autre pomme serait impressionnée, c’était bien certain.

Justement, l’autre pomme… Je contemplais une gargouille qui se découpait sur un coin de ciel, lorsque j’ai perçu le bruit d’un moteur dans le lointain de l’allée principale, par-delà les hêtres.

J’ai attendu de voir le premier chrome refléter un rayon de lune avant de rentrer et d’appliquer un oeil derrière le judas.

Un bien fringuant jeune homme, oui Madame, que ce godelureau-là ! Un austère lorgnon posé sur une figure vieillie avant l’âge, le tout reposant sur une quelconque silhouette… Un blasé, pour sûr ! Mais un blasé tout de même impressionné par le décorum qui se présentait à lui.

A poliment remercié le chauffeur et, après avoir fait trois pas vers le perron, n’a pas pu s’empêcher de lever la hure vers la cime de cet antre baroque où je l’avais convoqué. Et, à ma grande satisfaction, j’ai lu de l’inquiétude derrière ses méchants binocles.

Oh ! Pas se leurrer : son inquiétude n’était pas uniquement due à l’ambiance qu’on avait concoctée avec tant de soin. Mais c’était normal : ça semble logique, tout de même, qu’un écrivaillon aigri par quinze ans d’insuccès ressente de l’appréhension lorsque enfin, un éditeur l’invite à venir discuter de son dernier manuscrit au cours d’un petit entretien privé.

Il a saisi le marteau, a frappé quelques coups secs et a sagement patienté en grelottant un peu à cause de la petite bise qui s’était levée. Je l’ai laissé un peu lanterner avant d’entrebâiller la porte, et l’involontaire mouvement de recul qu’il a eu en apercevant mon ombre hirsute m’a fait plaisir. J’aime bien les faire sursauter, ces rebuts!

Je me suis excusé pour l’heure tardive à laquelle je l’avais convoqué (sans pour autant lui en donner la raison) ainsi que pour la panne de courant, inopinée (tu parles !), qui nous contraindrait à deviser dans la pénombre.

Je me doutais des questions qui lui brûlaient les lèvres, mais il était bien évident que formuler un début de tentative de demande de précisions sur certains points de cette entrevue eût été du dernier mauvais goût.

Les obligatoires salamalecs évacués, et une fois engoncé dans le grand fauteuil poussiéreux du petit salon, il a toussoté un peu pour se donner une contenance, mon plumitif.

J’ai jeté une bûche dans la cheminée et, tout en lui versant à boire, je lui ai répété le bien que je pensais de son texte. Malgré la lueur aléatoire projetée par les flammes, j’ai vu ses joues s’empourprer de satisfaction.

Puis je suis entré dans le vif du sujet au nom d’un pragmatisme que Nicolas ne partage pas, mais Nicolas a une tendance à l’outrance qui m’exaspère. Je sais très bien que, si le rôle du chauffeur ne lui avait pas été dévolu pour cette soirée, à ma place, Nicolas aurait traînassé et se serait fait un devoir de promener notre hôte parmi le dédale lugubre des antichambres et des corridors, en lui contant des anecdotes grouillantes de goules et de revenants… Bon, chacun sa façon et, dans la mesure où je n’avais pas particulièrement demandé à occuper la fonction qu’on m’avait présentement assignée, je m’étais autorisé à agir selon mon sentiment.

J’avais préparé mon laïus : je voulais dès le début être net autant que faire se pouvait et marcher droit au but. Le plan de ma causerie était simple : une information à détailler et un avertissement à infliger. Ah ! Et quelques exemples à présenter, quand même.

Surtout, je devais bien convaincre mon interlocuteur qu’un refus de sa part entraînerait de graves préjudices non seulement pour lui, mais également pour son entourage.

Je réprouve ces méthodes maffieuses, et j’en ai déjà fait la remarque au Conseil, mais, ainsi qu’on me l’a aimablement démontré, elles n’ont pas encore trouvé leur équivalent dans l’efficacité.

J’ai fait quelques pas jusqu’au grand planisphère qui était punaisé au mur, et j’ai simulé une maladresse : en trébuchant, je me suis raccroché à la vieille armure qui occupe l’angle près de la fenêtre. Comme prévu (mais nous avions suffisamment répété la scène pour être bien certains de ne pas manquer notre coup), la grosse épée s’est décrochée et est venue se ficher ans le gras de ma cuisse droite. J’ai attendu que le scribouillard se fût élancé pour me venir en aide, et j’ai extirpé la lame.

En grimaçant, parce que ça fait tout de même un mal de chien. Il était important qu’il vît la déchirure faite dans mon pantalon, ainsi que l’entaille du membre.

J’ai eu un sourire apaisant et, tout en remettant en place épée et armure, je l’ai rassuré en évoquant une simple égratignure. Ce que démentait formellement la plaie qu’il avait aperçue.

Cinoche puéril, nonobstant indispensable.

Oh, je sais ! Nicolas, lui, pour en rajouter dans l’esbroufe, il n’hésite pas à plonger sa main dans les flammes en faisant semblant de rattraper un quelconque objet chu dans le foyer.

Mais tout le monde ne peut pas être atteint d’antalgie naturelle !

— Soyons clairs : votre histoire est agréable à lire. Les péripéties s’y enchaînent et le style est vigoureux. Bref, ai-je lâché dans le même temps que je jetais une bûche dans l’âtre, ainsi que vous l’avez compris, je serais disposé à la prendre.

L’autre satisfait allait bredouiller un nouveau « merci », mais je l’ai interrompu au premier tremblement de ses cordes vocales :

— Seulement…

— Seulement ? s’est-il inquiété.

— Seulement, le sujet ne nous convient pas. Toutes ces spéculations sur une prétendue para-humanité basées sur des gesticulations d’hommes-singes vindicatifs, non merci !

Je ne lui ai pas laissé le temps de se récrier. Ses réactions possibles avaient été largement prévues, depuis la stupeur jusqu’à l’indignation, en passant par la justification. Une laborieuse discussion s’est alors installée, et j’ai laissé passer le flot de ses récriminations, tout en martelant le bien-fondé de l’avis que je formulais : d’abord la paléontologie n’intéresserait que trop peu de lecteurs pour nous permettre de supposer autre chose qu’un tirage quasi-confidentiel. Ensuite, les légendes concernant les yétis et autres sasquatchs n’étaient pas aussi porteuses que, par exemple, celles mettant en scène des vampires ou des loups-garous. Ces deux derniers mythes avaient beau être usés jusqu’à la corde, il n’en restait pas moins que leur succès n’était jamais démenti.

Prévisible incrédulité que celle de mon scribouillard : d’évidence, je me fourvoyais !

Évidemment, je mentais… Je le savais qu’il avait raison !

Bien ça l’inconvénient, d’ailleurs : toute cette publicité faite à notre sujet, qui allait crescendo et dont nous nous serions bien passés ! Véritablement, elle faisait les choux gras des gazettes, cette sempiternelle rumeur de l’homme sauvage. Elle n’était certes pas une nouveauté, mais il semblait au Conseil qu’elle se faisait singulièrement redondante depuis quelque temps, à tel point qu’il fallait réagir…

Et le Conseil, ma mère ! quand il a une idée dans la caboche… Cela dit, admettons à la décharge des augustes chenus qui siègent en cette vénérable assemblée que le relâchement de notre attention durant ce dernier siècle nous a plutôt été préjudiciable. Hergé et son Tintin au Tibet, notamment, nous sont restés en travers de la gorge. Un qui nous a particulièrement fait peur, également, c’est le père Boulle, avec sa Planète des singes : il n’est pas passé loin.

Il est même très possible qu’un peu moins de je-m-en-foutisme aurait pu éviter le peu de crédit qui a été apporté aux thèses de l’autre pénible d’Heuvelmans, ainsi qu’à certaines expéditions qu’il aura inspirées !

Et quoi ! Le mal est fait : il n’est plus temps de se lamenter mais de se remuer.

   Têtu : il ne comprenait pas l’inutilité de persister dans ses errements, mon scribouillard ! Accroché à son idée comme une moule à son rocher, il n’en démordait pas : il tenait là un thème captivant qui, enjolivé de son style incisif, confondrait à coup sûr sinon les critiques – obtus –, du moins le public dans une admiration certaine !

Ben tiens. Modeste, le toto !

Alors, l’œil dans l’œil, et en me sculptant une grimace des plus grotesques, je l’ai prévenu :

— On veut juste que vous nous foutiez la paix.

— Que… quoi ? Comment ? il a bégayé, ébahi comme un sourd à l’opéra.

— Nous préférons rester dans l’ombre, comprenez-vous ?

Et qu’on ne parle pas trop de nous : pas davantage dans le poste que dans les écrivailleries des célèbres inconnus !

Réaction prévue : oublieux de mon statut d’éditeur et outré comme une rock-star privée de minibar, il a haussé le ton :

— Mais qu’est-ce que ça signifie ? Non mais qu’est-ce que vous croyez, ma parole ?

J’ai soupiré et puis… comme on en était à la grande scène du III, hein… j’ai empoigné les deux accoudoirs de son fauteuil et en ahanant, j’ai levé le tout, gendelettre et siège, à une dizaine de centimètres du sol. Encore une idée au Nicolas, ça : une idée qui avait tellement enthousiasmé ces messieurs du Conseil qu’ils l’avaient jugée o-bli-ga-toire au scénario. Et en attendant, s’il faut réitérer à chaque client, qui c’est qui va aggraver sa hernie discale, hein ?

Bref. J’ai lâché prise, et le fauteuil est lourdement retombé sur le sol.

Après quoi j’ai précisé à l’autre têtu (que cette démonstration avait laissé pantois, preuve que Nicolas n’avait pas tort, mais Nicolas m’escagasse, il n’a pas le dos fragile, lui) :

— Nous essayons le plus peinardement possible de vivre, survivre serait plus exact, à la fois en marge de et parmi la société de vos congénères. Et ce depuis toujours… enfin, depuis à peu près aussi longtemps que vous. Nous sommes cousins en quelque sorte.

En principe, à ce stade de la conversation, l’incongruité de l’entretien, le décorum ainsi que le coup de l’épée et du levage de fauteuil ont suffisamment semé le trouble dans l’esprit de notre contradicteur pour qu’il soit prêt à gober des extravagances. Cette phase est importante : elle soutient une grande partie de l’édifice que nous bâtissons. Il s’agit donc de vérifier sa robustesse. C’est pourquoi j’ai grondé cette ineptie :

 — Si je vous disais que, parmi toutes les créatures évoluant dans l’ombre, nous sommes probablement celles dont vous avez le plus à craindre… À propos, redoutez-vous davantage les lycanthropes ou les vampires ?

Elle fonctionnait pas mal, cette réplique entendue dans un vieux film d’épouvante: il flageolait sévère, mon fier auteur ! Un vrai vibromasseur, parole ! Je ne sais pas pourquoi, mais je l’aurais cru un chouia plus résistant, au premier abord.

 — Que… que voulez-vous de moi ? a-t-il fini par réussir à bredouiller.

J’aurais bien répondu « Vous manger, mon enfant », histoire de rigoler un peu, mais le but n’était pas non plus de le faire mourir d’un infarctus.

— Je vais poser ma question différemment, ai-je repris, et je vous conseille d’y répondre : d’après vous, est-ce à un loup-garou ou bien à un vampire que vous avez présentement affaire ?

J’ai vu, distinctement vu, la lueur de frayeur dans ses yeux devenir scintillement puis éclat.

Il a jeté un regard éperdu autour de la pièce, a hésité en se liquéfiant, tant il exsudait, puis a réussi à déglutir quelque chose entre le borborygme et le murmure :

— Glp… Un loup… un loup-garou… ?

Ah ! Entendre ça, c’est boire du petit lait. En général, quand ils en arrivent d’eux-mêmes à sortir de telles « couenneries », c’est dans la poche ! On sait qu’on les tient.

À partir de là, la partie gagne en subtilité : il convient de détromper notre hôte quant à l’hypothèse de notre condition surnaturelle, mais tout en maintenant chez lui le sentiment de l’inquiétude.

Je l’ai donc affranchi, ainsi que l’on dit chez les truands argotiques : ai évoqué notre parenté, notre évolution parallèle, la vraisemblable scission qui a séparé notre espèce, homo erectus, en deux branches distinctes il y a environ 800 000 ans…

— Mais… Mais vous êtes en train de me dire que… a balbutié le brave garçon, tout sidéré de constater que le fruit de son imagination prenait soudain forme tangible.

Le protocole prévoyait d’éclairer un peu la lanterne de nos invités. Pas trop tout de même, juste le minimum syndical quoi ! Dans la mesure où il importait tout de même de maintenir un certain climat de peur, il n’était pas question d’aller crier sur les toits notre mépris de la violence et notre dégoût de la souffrance, lesquels faisaient de nous des végétariens patentés et, au final, de paisibles brutes !

Avant que l’homme de plume ne fût remis de son émotion, j’ai enchaîné :

— Voyez-vous, parmi les grandes questions qui animent les longues soirées d’hiver de vos anthropologues, primatologues et autres paléontologues les moins bornés, il y a celle-ci : comment une sorte d’homme parallèle, censé avoir disparu depuis près de 200 000 ans, aurait-il pu se perpétuer sans attirer l’attention ? Et il y a cette autre : comment se fait-il que les hommes modernes n’aient pas gardé de souvenir de leur cousin néandertalien avec lequel ils ont pourtant coexisté durant près de 80 000 ans ? Bonnes questions, hein ? Tenez, savez-vous qu’il existe une grotte, dans le sud-ouest de la France, dans laquelle on relève un niveau Neandertal, puis Cro-Magnon, puis de nouveau Neandertal, et encore Cro-Magnon ? Et que les paléontologues se perdent en conjectures au sujet de ces occupations successives : y a-t-il eu batailles ? Comment se fait-il que l’homme de Neandertal ait finalement disparu de la circulation ? Eh bien, la vérité, voyez-vous, c’est qu’il a préféré s’éclipser, l’homme de Neandertal : déménager vers des contrées plus peinardes ! Loin de vos mômeries ritualisées et de votre propension au conflit ! Des voisins pénibles, voilà ce que vous étiez dès l’origine, ce qui représente tout de même une prouesse !

 — Mais… Mais vous êtes en train de me piquer mon idée ! a-t-il éructé, dans un sursaut d’indignation. Vous m’avez fait venir pour m’expliquer que vous me flouez, c’est ça !

Amusant ça : l’indignation prenant le pas sur la pétoche !

Mais bon : légitime suspicion. Que la suite de mon explication a permis de balayer. Il m’aurait déplu que nous fussions pris pour des plagiaires, même pas éhontés!

— En fait, ai-je objecté, ce serait plutôt vous qui nous avez volé un peu de notre vérité. Ainsi, votre manuscrit évoque une conspiration de neandertalo-simiens qui attend dans l’ombre que son heure soit venue afin de renverser l’espèce humaine et de prendre sa place à la tête de la destinée de cette pauvre planète usée. Bien. Pour étayer votre propos, vous le parsemez d’allusions plus ou moins scientifiques, vous invoquez l’anthropologie, vous citez quelques légendes locales, faites une abondante référence à cette para science que l’on nomme cryptozoologie… bref, vous bâtissez une « théorie de l’homme parallèle » qui légitime nombre de témoignages nourris au Bigfoot et au Migou. Bien. À dire vrai, vous êtes, de tous les clients auxquels nous avons eu affaire ces dernières années, celui qui s’est le plus approché du soleil. Oui, seulement ma fonction à moi, ainsi qu’à mon petit camarade qui vous a servi de chauffeur tout à l’heure, c’est de vous éviter de vous brûler les ailes figurez-vous.

Fallait pas lui laisser le temps de souffler, à cet aimable bonhomme : ça faisait partie du programme de l’ensevelir sous l’avalanche des principales motivations qui régissaient notre façon de vivre. L’éthologie, c’est ça qu’est passionnant ! Alors j’ai précisé que cette fameuse scission de notre espèce avait eu un curieux effet sur notre branche à nous : elle nous avait tenus éloignés de la Croyance. Quelle qu’elle soit !

Nous-mêmes ne nous l’expliquions pas bien, mais c’était un fait : nul bourgeon, sur cette branche, n’était apte à Croire. En rien. J’ai lu quelque part que de récentes recherches tendraient à accréditer l’hypothèse de raisons cognitives à l’existence de Dieu. Peut-être que c’est une piste valable ? Peut-être qu’il existe entre eux et nous une différence sise dans le cortex ? Quoiqu’il en soit, et alors que les croyances semblent bien plus anciennes que l’homme moderne (apparu il y a 160 000 ans), nous, nous n’adhérons pas à, disons, cette vue de l’esprit… Par ailleurs, et peut-être existe-t-il une corrélation entre ces deux éléments, nous n’avons aucune ambition. Tel quel ! L’esprit de compétition, comme la promotion au mérite par exemple, nous laissent froids.

C’est comme ça. « Ambition, appétit, tous ces mot signifent quelqu’un sacrifié à quelqu’un satisfait. » C’est Victor Hugo qui a écrit ça, dans L’homme qui rit.

Et ces deux fondements de notre identité, l’incrédulité et le manque d’ambition, nous ont conduits à une sorte de nihilisme mou. Une manière d’état latent qui oscille entre lucidité et perplexité.

— Ce qui fait, ai-je tenu à souligner, que nous regardons avec des yeux ronds votre culte infantile du concours qui, depuis la course à pieds jusqu’à l’agrégation, en passant par l’ultralibéralisme, ne laisse pas de nous consterner : ainsi, le but est de précéder l’autre, ou si ce n’est le but, du moins le principe ! Connaît-on plus grotesque, plus délétère conception de l’organisation sociale ? Si nous devions nous définir d’après vos propres concepts, je dirais que nous tenons de l’anarchiste pacifiste dans la lignée d’un Edouard Carouy, ce libertaire proche de la bande à Bonnot, qui achetait des oiseaux en cage pour pouvoir les libérer ensuite… Néanmoins, et ma conversation l’atteste, nous ne sommes pas absolument étrangers à vos mœurs. Croyez-moi : il y a beaucoup plus de yétis parmi ces dames des Folies Bergères que dans la Toundra sibérienne ! Surtout depuis l’avènement de la chirurgie esthétique et de l’épilation électrique. C’est qu’on sait s’adapter, n’est-ce pas ? Ainsi, nous avons pu prospérer en filigrane de vos activités, mais dans l’unique but de permettre la sauvegarde de notre tranquillité. Bref, mon ami, vous l’avez désormais compris : notre espèce vit dans l’ombre de la vôtre. Et depuis cette ombre, elle contemple, avec un effarement jamais démenti depuis des millénaires, la formidable œuvre de destruction et la course au fanatisme qui forment votre quotidien et constituent vos livres d’histoire ! Et elle se tient en marge, autant que faire se peut, de cette entité mortifère qu’est l’Humanité.

Mais contrairement aux divagations présentées dans votre manuscrit, nous ne guettons pas l’instant d’une quelconque revanche. Non, nous nous contentons de ne pas trop attirer l’attention sur nous. Rien d’autre. Or, voyez-vous, vos mythologies et vos superstitions aidant, nous avons ainsi survécu à vos côtés durant un bon paquet de millénaires… Oui mais voilà, il a fallu que de conquêtes en explorations, vous finissiez par nous acculer à quelques régions peu hospitalières du globe. Bon. Pas si grave si la paix nous était garantie ! Mais hélas, il y a eu cette espèce d’engouement, au XIXe siècle, pour toute une thématique d’inspiration fantastique qui a projeté, sur la littérature et les arts, l’ombre portée de vos fantasmes prédateurs ! C’est à cette période que nous avons réellement senti le danger qui nous menaçait. Nous représentions, comme disent vos saugrenus publicitaires, un « marché porteur » ! Nos aînés se sont concertés et ont conclu à la nécessité d’infléchir les éventuelles velléités de récits mettant en scène des hommes sauvages. De là notre intrusion dans les milieux de l’Art, de la presse et de l’édition… Et une certaine influence qui vous permettra d’invoquer de prestigieux prédécesseurs lorsque votre orgueil vous titillera…

Vous allez comprendre que nous reprenons un flambeau.

— Mais, à la fin, de quoi est-il question ? a-t-il risqué.

— Vous avez raison, ai-je admis : point tant de digression. Bien, voici : un étrange voyageur fait irruption, par une brumeuse matinée d’hiver, dans une auberge anglaise où il s’installe à demeure. Ça ne vous rappelle rien ? Il s’agit du début de l’Homme invisible, d’un certain Herbert George Wells… Sauf qu’à l’origine, l’étrange voyageur était en fait… un anthropoïde doué d’intelligence ayant décidé de se rallier à l’humaine condition. Nous avons suggéré une meilleure idée à monsieur Wells.

Je me suis interrompu un instant, pour vérifier l’effet de ma déclaration, puis j’ai repris :

— Et ceci, tenez : un écrivain irlandais répondant au nom de Bram Stocker, rassemble un certain nombre de légendes concernant des humanoïdes velus dont moult témoignages attestent la présence en plusieurs points du globe, pourtant fort éloignés les uns des autres. Enthousiaste, il envisage bientôt de synthétiser le tout au travers du récit d’une lutte épique opposant un jeune amoureux dont la femme a été enlevée, et la créature coupable de cet enlèvement. Nous avons eu l’amabilité d’effectuer de nouvelles recherches pour lui, et l’avons persuadé d’orienter son travail vers un tout autre sujet. Qui n’a pas desservi sa notoriété, d’ailleurs ! Je pense que vous avez compris le principe? Il est inutile, je suppose, de m’appesantir sur les premières moutures nées des imaginations fertiles de, par exemple, messieurs Stevenson, Poe et Maupassant ou encore de Madame Shelley… Quant à Edgar Rice Burroughs, n’en parlons même pas ! Notez que nous tenons ici le quatrième de couverture accrocheur d’un roman de science-fiction : « Saviez-vous que c’est à l’homme de Neandertal que nous devons les plus grands classiques de la littérature fantastique du XIXe siècle ? » Hé, hé ! Suis-je taquin, tout de même !

Ébahi, le brave homme en oubliait presque de respirer. Nous n’avons pas le même sens de l’humour, probablement !

Pas lui qu’aurait donné un pareil titre à ses mémoires…

— Mais… Mais toutes ces personnalités se sont soumises à votre bon vouloir sans… a-t-il articulé.

J’ai cru bon de finir sa phrase. Je devais conserver le monopole de cette causerie : c’est plus persuasif, paraît-il.

 — … sans rouscailler, peut-être ? Ah ! Comment vous dire ?…

J’ai inspiré profondément, me suis relevé de toute ma hauteur, et en abattant le poing contre un pan de mur, j’ai creusé une facétieuse trouée dans le moellon. C’est idiot parce qu’après il faut se cogner le replâtrage, avec l’enduit qui coule dans les manches, nous tire les poils et tout le bazar, mais là encore, l’effet est garanti :

 — Seriez-vous étonné d’apprendre que nous possédons des arguments convaincants ? ai-je grincé en contrefaisant ma voix pour la rendre le plus rauque possible. J’avais demandé à prendre l’accent sicilien, comme dans Le Parrain, mais les birbes du Conseil n’ont pas voulu. C’est toujours pareil, de toute façon : Nicolas-le-chouchou peut improviser ce qu’il veut, ça sera forcément bien. Tandis que Bibi, niet !

Tout en allant quérir sa lettre d’engagement qui patientait dans un des tiroirs du bureau, j’ai achevé de lui donner quelques précisions afin de l’assurer une bonne fois de la cohérence de notre démarche :

— Mais nous sommes humains également, n’en déplaise à vos nombrilistes anthropologues, et, par conséquent, sujets à l’erreur. Ainsi, après presque un siècle de surveillance acharnée, les anciens ont baissé leur garde. Il faut dire que l’une des idées qu’ils avaient soufflées à Herbert George Wells – et qu’il a d’ailleurs reprise vers 1898 –, occupait les esprits à un tel point qu’elle forma bientôt le principal vecteur de votre imaginaire collectif : les martiens n’avaient qu’à bien se tenir, c’est vers eux que votre attention s’était tournée ! Et l’un des effets de cette coupable nonchalance de nos aïeux a été de nous empêcher d’appréhender le regain d’intérêt qui nous a été octroyé dès les années 50.

J’ai réfuté par avance toute objection d’obédience scientifique, en lui rappelant l’accueil qui avait été fait, en leur temps, aux thèses cryptozoologiques d’Heuvelmans : mépris tenace qui ne se démentait pas, et dont la fatuité de la science officielle se faisait le glorieux porte-étendard. Pour preuve cet aveu d’un membre du Collège de France, Pascal Piq : « Nous n’arrivons pas à concevoir qu’il ait pu exister plusieurs espèces conscientes » !

 — Et je n’évoque même pas la question de la religion, ai-je conclu en lui présentant le stylo et la feuille au bas de laquelle il devait signer : elle dépasse notre entendement et nous apparaît comme un machin dérisoire. Qu’elle conserve l’exception de son Adam, grand bien lui fasse !

— Mais… Qu’est-ce que je dois faire avec ça ? a-t-il demandé en considérant la feuille de papier que je lui tendais.

            Je lui ai expliqué qu’il s’agissait d’une feuille d’engagement, d’une sorte de contrat qui le liait à nous et qui ne pouvait être rompu. J’ai insisté sur l’arsenal de nos moyens de persuasion, sur les périls encourus en cas de rupture, ainsi que sur l’inutilité d’aller conter le récit de notre entretien à qui que ce fût… Le risque de passer pour un paranoïaque illuminé, notamment, n’était pas négligeable.

J’ai souligné le fait qu’ayant mis de tels secrets à nu devant lui, il lui incombait désormais une immense responsabilité au sujet de laquelle nous étions fort chatouilleux… Bref, j’ai usé de toute une symbolique dont ces bourriques sont tellement friandes.

— Mais pourquoi, s’est-il risqué, lorsque j’ai eu terminé mon speech, pourquoi vous tenir à l’écart ? Pourquoi ne pas vous mettre en pleine lumière ?

— Pourquoi ? ai-je répété. Au fait oui, prenons un exemple concret : que pensez-vous du fait que des hommes aient été déportés dans des wagons à bestiaux au siècle précédent ?

— Mais… que c’était ignoble, bien sûr.

— Nous pensons la même chose, voyez-vous.

— Eh bien ?

— Sauf que nous, en plus, nous trouvons aussi ignoble d’enfermer des bestiaux dans de tels wagons. Vous hiérarchisez la souffrance, pas nous : divergence de vue qui nous condamne par avance à nous crêper le chignon, ce qui est contraire à nos principes!

   Il est resté bouche bée. Je lui ai intimé l’ordre de signer et, pendant qu’il s’exécutait, je n’ai pas pu m’empêcher de le charrier un peu :

— Ne vous en faites pas, ai-je ricané, nous allons trouver une idée de choix pour votre manuscrit, avec plein de poulpes hydrocéphales qui débarquent à l’aube. Ce n’est pas l’imagination qui nous manque !

            Puis, en promenant mon regard sur les tentures qui recouvraient les fenêtres, j’ai songé à notre taux de fertilité qui avait tant dégringolé, et qui faisait de moi l’un des représentants de la dernière génération. Et puis j’ai souri : j’avais lu quelque part que leur sperme subissait une baisse de quantité, voire de qualité, à cette engeance. J’ai d’apaisantes lectures.

 

*

 

            J’ai transmis mon rapport au sujet de l’entrevue menée ce jour avec monsieur Laurent Anne, afin d’établir les bases d’une collaboration efficace autour de son roman d’anticipation intitulé L’invasion.

            Outre le synopsis de son manuscrit original, et les annotations du comité de lecture, j’y ai joint une nouvelle demande de mutation à un poste n’impliquant pas une proximité trop étroite avec Nicolas Leferrant, mon actuel équipier. Pourvu que le Conseil entende ma supplique !